Le jour où j'ai cotoyé mon American Dream à nouveau
Chers lecteurs, je vous ai cachés des choses. Il y a un mois, j'ai eu un e-mail inattendu/inespéré. Un e-mail d'une école britannique internationale super réputée d'une grande ville américaine. J'étais invité à un entretien. Le premier de 2014. J'avais postulé sans trop y croire à Noël. Mon coeur a fait un bon. C'était inespéré. J'ai passé la semaine et demie suivante à préparer cet entretien qui allait changer ma vie. J'ai bossé à fond les thèmes éducationnels, j'ai fouillé le site de l'école de fond en comble, je me suis imprégné de leurs valeurs et vision, etc. J'ai répété, j'ai répété, j'ai répété. Puis je suis allé à l'entretien.
Un hôtel prestigieux dans une grande ville anglaise. Toutes les écoles de cette organisation internationale faisaient leur marché ce jour-là. Ils venaient piocher la matière première, les profs britanniques. Et moi. Des écoles du monde entier, des profs de tout le Royaume-Uni. Et moi. La journée a commencé avec une présentation de l'organisation, de leurs principes et fonctionnement avec en guest la responsable pédagogique qui a développé le programme. Puis j'ai enchaîné avec l'entretien. C'était l'usine. On était des produits. Des objets. Des pions. La vente aux enchères.
Rencontre avec le directeur de cette école et la chef du primaire. Les questions commencèrent... Pourquoi vous avez choisi notre école? Qui nous dit pas que vous voulez juste faire du tourisme aux USA? Que diriez vous à un parent qui vous dit que...? Comment gérez-vous les différents niveaux dans une classe? Qu'avez-vous à offrir en plus des cours à l'école? Que doit-on enseigner au niveau de l'école primaire? Etc. Je m'entendais super bien avec le directeur. La femme, en revanche, était une Ice Queen. Je ne l'ai pas aimée. J'étais claqué, j'avais dormi que 2 heures la veille à cause du stress. Mon anglais m'a fait défaut plus d'une fois. J'ai inséré autant de buzz words éducatifs que possible comme un élève qui a répété sa leçon.. Une heure et trente minutes plus tard, éreinté, je sors enfin de cette performance. Je suis vidé.
Je ne sais pas si c'est réussi. Les entretiens durent une heure en principe. A la fin, le directeur m'a dit qu'on était 4 candidats au final sur 85 dossiers reçus. Donc je fais parti de l'élite. Ce qui fut répété à la présentation suivante sur les écoles des USA. Là, j'avais l'impression de faire face à un employé de Disney: les USA c'est extraordinaire. Il nous parlait comme à des débilos, de pauvres européens qui voulaient de l'American Dream en barre. J'avais envie de lui dire:"non mais on est pas tous naïfs, et certains d'entre nous connaissent déjà les USA, on est pas dupes et on ne vous a pas attendus." BREF.
La journée fut finie. Je sors avec un pote que je me suis fait et on va manger et boire pour fêter notre succès (d'avoir été à un entretien du moins) Dix jours intenables durant lesquels je me suis dit que j'allais peut-être repartir, changer de vie à nouveau, retourner sur mes terres... Des jours où je me disais que j'adore la ville où je vis, que j'adore l'Europe, que j'aime les valeurs et les modes de vie plus terre à terre, sophistiqués et moins chers.. Des jours où j'étais mitigé. Pourquoi voudrais-je partir à tout prix? Le fais-je pour moi? Pour les autres? Pourquoi? Ne suis-je pas bien ici? Si pourtant... Bref, très partagé.
Le coup de téléphone finit par arriver. J'ai tout de suite su. "Super Bad Teacher? C'est le directeur de l'école. Malheureusement.." OK, pas besoin de faire un dessin. Mon coeur qui battait à cause de la pression et de la fatigue encourue les 3 dernières semaines allait me lâcher. Je tentais tant bien que mal de m'accrocher à ses mots de réconfort et de retour sur ma performance... "Vous nous avez impressionné sur telle et telle question..." mais... je n'aurais pas assez d'expérience "across the board" (= primaire) et je ne pourrais pas "fit" dans le département. OK SOIT. Mais... "on vous garde dans notre base de données car vous êtes un sérieux candidat et il se peut qu'une autre école vous contacte dans les 2 ou 3 prochains mois" Euh, si elle n'est pas aux USA, non merci! Mais bon, c'est le lot de consolation. VOILA. Mon American Dream est passé, je m'en suis réveillé il y a maintenant 5 ans, ça ne sert à rien de vouloir y retourner. Ce n'était qu'un rêve après tout. Next.